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10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 10:59

http://www.huffingtonpost.fr/kevin-barralon/70-apres-la-liberation-na-toujours-pas-eu-lieu_b_6497274.html?utm_hp_ref=tw

Animaux: 70 ans après, la libération n'a toujours pas eu lieu

Publication: 20/01/2015

Il y a 70 ans, le monde découvre l'horreur des camps de la mort. Des cadavres puants et faméliques agglutinés sur le sol et dans les charniers. L'odeur des cendres, témoignage du professionnalisme macabre des ingénieurs de l'infamie. La bête humaine venait d'engendrer son propre fléau.

Mais la libération des déportés n'a pas fait disparaître les camps. Au contraire, l'injustice perdure à notre époque encore, sous une autre forme et avec une violence peu commune, dans des établissements que l'on connaît mieux sous le nom d'"élevages" et d'"abattoirs". Ces lieux où l'on élève et exécute, à l'abri des regards, des milliards d'animaux à travers le monde dans une indifférence misérable.

Des "camps" pour animaux

Si l'abattage des animaux domestiqués existe depuis des millénaires, l'industrialisation et l'uniformisation des élevages a apporté une dimension nouvelle à l'injustice faite aux bêtes. Cette industrie prend son impulsion et sa forme moderne en 1865 à Chicago avec l'Union Stock Yards, complexe gigantesque concentrationnaire où l'on parque sans états d'âme une pléthore d'animaux destinés à la consommation humaine. Dans ces camps de concentration pour animaux, on élève, tue et dépèce mécaniquement des mammifères par milliers. Ce travail "à la chaîne" est à l'époque tellement révolutionnaire qu'un certain Henry Ford s'en inspire pour élaborer son modèle de production automobile. La viande devient bon marché et synonyme de réussite. Par la suite, l'activité et la demande se développent de manière fulgurante jusqu'à la production irrationnelle que l'on connaît aujourd'hui.

Les Union Stock Yards en 1947 (Source : Wikimedia Commons)

Les Union Stock Yards en 1947 (Source : Wikimedia Commons)

"Chicago nous a montré la voie; c'est dans les abattoirs de Chicago que les nazis ont appris comment gérer les corps", écrit l'écrivain J.M. Coetzee (1). La comparaison entre l'horreur des abattoirs et celle des camps de concentration n'a rien d'inepte. L'idéologie nazie faisait des Juifs des "animaux innocents" semblables aux nuisibles qu'on se devait d'exterminer afin d'"éviter tout dégât" (2). Le Juif, ce "nuisible" devient un animal dont il faut se prémunir. Un animal à abattre, donc. Alors, on le déporte, comme l'animal en chemin vers l'abattoir, dans un de ces "wagons à bestiaux", entassé avec les autres dans une atmosphère suffocante.

Mais avant d'animaliser l'homme, il a bien fallu animaliser l'animal. La néantisation de l'individualité humaine n'est que le prolongement de la chosification des animaux. Réduire l'homme à l'animal, c'est d'abord réduire l'animal en un moins-que-rien. L'animal se transforme en idée abstraite, loin de toute définition possible. L'animal, ce n'est rien de plus que cet "étranger". Celui qui ne peut prétendre à la même considération que celle de la classe supérieure de l'humanité. À partir de là, il n'y qu'un pas avant de chosifier l'humain en animal-étranger. Exécuter l'animal ou l'individu chosifié, ce moins-que-rien, devient presque anecdotique.

L'animal -cette individualité transformée, sous couvert de "gastronomie", en matière sanguinolente au service d'une obsession nourricière boulimique- est réifié par l'industrie de l'agroalimentaire. Bien évidemment, non pour des raisons relatives à la haine, mais au profit. Quand la mort devient rentable, elle ne connaît plus de limites. Derrière les abattoirs, on ne tue pas par idéologie de l'exécration, mais par goût du rendement. En fin de circuit, le consommateur s'y retrouve, alimenté depuis toujours par l'illusion de la "chaîne alimentaire".

 

Tuer humainement?

On peut convenir -et c'est d'ailleurs un slogan à la mode chez les tenants de l'exploitation animale- qu'il est nécessaire aujourd'hui d'"humaniser l'élevage" en traitant les animaux avec un certain respect. Cependant, il paraît toute de même curieux de vouloir "humaniser" l'élevage lorsque notre culture n'a cessé de creuser un fossé de différences entre l'homme et l'animal afin de justifier insidieusement l'oppression de l'un sur l'autre. Rendre l'élevage plus "humain" ne serait qu'une opération de fourberie publicitaire. On peut, par ailleurs, penser comme le philosophe américain Tom Regan que "l'humanité n'est pas dans l'œil du spectateur" (3). Lorsque c'est l'oppresseur qui délimite les contours d'une exploitation dite "humaine", il y a toutes les raisons de s'interroger sur ce qui peut devenir sans encombre un simple maquignonnage antinomique.

De surcroît, quel avantage peut-il y avoir à tenter d'"humaniser", selon des critères iniques puisque définis arbitrairement, la mise à mort d'animaux manifestant un intérêt à poursuivre leur existence sinon, et toujours, la défense des intérêts de certains individus à prolonger leur business sereinement et avec l'approbation de la société ? Finalement, cette "méconnaissance intéressée", en empruntant l'expression de Derrida (4), des intérêts des animaux satisfait pleinement une profession qui fait de la mort une activité lucrative.

D'une autre part, on peut se demander pourquoi s'ingénier à rendre l'élevage plus "humain" en s'abstenant préalablement de s'interroger sur la légitimité de s'arroger un droit de tuer sur les animaux. Pourquoi utiliser des êtres humains comme des ressources serait foncièrement indéfendable, mais traiter les animaux comme moyens serait singulièrement et étonnamment acceptable ? Cette dissociation morale ne peut s'effacer avec ce trompe-l'œil que constitue l'idée d'un élevage plus "humain". Humaine ou non, la réification des animaux relève de l'abus de pouvoir. Leur mise à mort relève, quant à elle, de l'"assassinat", c'est-à-dire du "meurtre avec préméditation" comme le souligne la philosophe Élisabeth de Fontenay, citée récemment dans les colonnes du quotidien Le Monde. Pourtant, la réponse à cette injustice, qui atteint aujourd'hui son apogée, serait de libérer purement et simplement les animaux du joug de leur oppression.

 

Pour une libération animale

Cette libération ne doit pas être entendue au sens littéral. Il ne s'agit pas, comme certains s'amusent à railler d'une manière ingénue quoique précipitée, de "relâcher" inconsciemment les animaux dans la nature. Il est question, avant toute chose, de cesser l'eugénisme, la reproduction programmée, l'insémination artificielle et, in fine, la mise à mort de milliards d'animaux à des fins productivistes. L'utilisation attentatoire d'animaux comme ressource exploitable n'a plus sa place dans nos sociétés modernes.

Il y a 70 ans, le monde découvre l'horreur des camps de la mort. Cependant, l'indignation et la honte ne nous ont rien appris sur le sort des bêtes. Bien au contraire, la condition des animaux n'a cessé de s'aggraver grâce à la virtuosité sans limites de nos zootechniciens. Mais aujourd'hui, nous ne pouvons plus faire comme si nous ne savions pas. Nous devons achever cette entreprise de libération.

_____________

(1) J. M. Coetzee, Elizabeth Costello, 2006
(2) Adolf Hitler, entretien avec l'amiral Horthy, 1943, cité dans Johann Chapoutot, La loi du sang. Penser et agir en nazi, 2014
(3) Tom Regan, Empty Cages: Facing the Challenge of Animal Rights, 2005
(4) Jacques Derrida, L'Animal que donc je suis, 2006

 
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commentaires

O
Le monde oublie vite surtout quand lui même devient un mouton!<br /> La Tit'
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